La nouvelle lune en moi

La nouvelle lune en moi

C’est le jour de la nouvelle Lune. Je la sens dans mon corps. Depuis peu de temps, mon cycle s’est aligné sur celui de la Lune. Quand elle se cache derrière son voile mystérieux, pour mourir et renaître une fois de plus, l’enchanteresse en moi cède la place à la vieille femme sage.

Il fut un temps où je redoutais son arrivée. La fatigue, l’impression que tout est une montagne insurmontable, l’incompréhension pourquoi je devenais d’un seul coup aussi faible et en manque d’énergie ou d’envie de sortir et de faire mille et une choses comme je étais habituée.

Depuis que j’ai appris à comprendre le cycle menstruel de la femme et à le voir non comme un pénible fardeau mais comme un don et, en quelque sorte, une boussole pour mieux m’orienter dans mon paysage intérieur, je salue l’arrivée de la vieille femme en moi. Je m’y prépare et récemment j’ai pu constater qu’en fait je m’en réjouis.

En quoi cela peut-être chouette, me demanderiez-vous peut-être. Eh bien, tout simplement, je m’autorise à ne rien faire, sans culpabiliser. Si la petite voix dans ma tête (celle de mon éducation, de mon conditionnement socio-culturel et de mon critique intérieur) apparaît, je lui dis «Salut, je te vois mais là j’ai pas besoin de toi pour le moment. »

Le monde a besoin de savoir ne rien faire. Car faire, faire et encore faire mène à l’épuisement, c’est une vérité si simple qu’un enfant le sait. Après le travail, le temps de repos. Après l’énergie ardente du  feu de printemps, après l’abondance juteuse et la joie extatique de l’été et après les récoltes et les vents transformants de l’automne, l’hiver arrive. Le temps de rien. Le temps entre la mort et la nouvelle vie. Le temps où tout se passe en-dessous de la surface. La vie se retire à l’intérieur, la Terre se repose.

De la même manière, à chaque période des lunes, mon corps m’invite à l’introspection, à la réévaluation, au tri. Voilà ce qui est réjouissant pour moi. C’est un moment propice pour lâcher les choses qui ne nous servent plus, pour laisser mourir et faire de la place. Mon corps se nettoie pour redevenir à nouveau la terre fertile.

Il en est de même avec mon âme et mon esprit. Je m’allège, je jette sans pitié, je coupe les ficelles invisibles qui m’attachent énergétiquement à des choses qui sont passées, mourantes. Je dénoue, je laisse partir.

Et surtout, je contemple. Je me blottis sur mon sofa devant le feu ou, quand il fait bon, je m’installe dehors sur le banc. Emballée dans mon plaid, une tasse de tisane dans les mains, je reste assise, en silence, dans un état d’observation. Je regarde le monde autour de moi courir mais son effervescence ne m’atteint pas.  J’observe l’agitation en moi, sans m’y accrocher et graduellement le silence et la paix s’installent en moi. Je les savoure. Ils m’apportent une sorte d’objectivité limpide. Pendant quelques instants, je découvre en moi la capacité de ne pas être trop attachée à mes émotions, à mes soucis quotidiens.

C’est exactement comme ça que j’imagine une très vieille femme qui a vécu, qui a tout vu. Qui a aimé, pleuré, qui a connu la joie, la réussite, l’échec et la perte, qui est tout simplement là, déjà un peu détachée du monde car elle sait que tout est passager et sujet à la disparition. Elle sait que la vie contient en elle la graine de la mort et vice versa. Et cela ne lui fait pas peur.

Voilà pourquoi nous avons besoin de reconnaître la puissance, la vraie valeur et l’utilité du temps des menstruations. Voilà, pourquoi nous devrions honorer les femmes d’un âge vénérable. Ces femmes-là et toutes les femmes qui menstruent consciemment rêvent pour le monde, pour leurs communautés et leurs familles. Et à leur “retour”, elles apportent les fruits de leur visions, de leur introspection, de leur regard objectif et de leur intuition pour savoir à quoi dire «oui» et à quoi dire «non».

Mes chères femmes, soeurs, amies et les inconnues, n’ayez pas peur d’embrasser cette partie de vous-même et d’un faire une meilleure connaissance. Elle vous apportera plus d’harmonie, de compréhension vis-à-vis de vous-mêmes, de votre entourage et du monde et surtout de la sérénité et du respect pour vous en tant que la femme.

(cet article a été écrit et publié sur mon site www.loonadancebelgique.eu en mai 2018)

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